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SAINT-VINCENT
TOURNANTE

TONNERRE 2025

SAINT-VINCENT TOURNANTE - TONNERRE

Historique

HISTOIRE DE LA VIGNE EN TERRITOIRE TONNERROIS

 

En terre tonnerroise, c'est à partir du IXe siècle et surtout au Xe que le vignoble prend son essor grâce aux moines des abbayes de Quincy près de Tanlay, et de Saint Michel près de Tonnerre, qui améliorent la culture de la vigne et l’élaboration du vin mais le vignoble tonnerrois est bien antérieur ; il est apparu lors de la conquête de la Gaule par l'Empire Romain.

Suivant les historiens, auxquels on se réfère, les chiffres sont très variables, mais ce qui est sûr c'est que le vignoble tonnerrois eut sa juste et prestigieuse place sur bon nombre de tables des cours d’Europe et ce, grâce à plusieurs personnages importants :

Les deux premiers sont Rois de France : François 1er, qui, en 1542, vint passer une dizaine de jours avant la Pâque en notre bonne ville de Tonnerre et fit grande ripaille. Son séjour nous est rapporté par la gazette de l'époque et il fit grand honneur à nos vins qu'il apprécia beaucoup. Il était de coutume que les ambassadeurs lors de leurs visites protocolaires emportent, parmi leurs offrandes, du vin et parmi ceux-ci, ceux du Tonnerrois étaient en très bonne place, ce qui facilita sa commercialisation. Louis XIV qui découvrit, lors d'un court séjour en Tonnerrois, notre vignoble, et en fit la promotion sous l'influence de son responsable des festins.

Le troisième personnage, et pas des moindres, n'est autre qu'un enfant du pays, le Chevalier d’Éon, espion de Louis XV au XVIIIe, fit découvrir en plusieurs cours d'Europe nos vins, mais plus particulièrement le sien ; en effet, la Famille d’Éon possédait des vignes à Tonnerre ce qui donna une réputation au vignoble tonnerrois.

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En ces deux siècles, le vignoble tonnerrois sur les communes de Tonnerre, Épineuil, Dannemoine, Junay et Molosmes se développa jusqu'à atteindre en 1885 une superficie de 1188 ha.

A la fin du XVIII siècle, des vignes de deux siècles n'y étaient pas rares, celles de 50 à 60 ans étaient réputées jeunes.

Dans les années 1777 à 1789, les procès verbaux d'arpentage par la Généralité de Paris nous informent qu'à cette époque, le territoire viticole de la ville de Tonnerre, à lui seul, était de 911 ha sans compter celui d'Épineuil et Molosmes qui en comptait 500 ha.

En 1812, année de récolte très moyenne, le préfet de Tonnerre, donne pour une dizaine de communes viticoles du Tonnerrois une production de 114 100 hectolitres dont 60 000 étaient consommés sur place et ce, d'après les déclarations des producteurs qui minimisaient la déclaration des volumes de leur production. Il était courant, comme narré dans des textes de l'époque, que les déclarations quantitatives étaient de moité, du tiers voire même du quart de la réalité.

A partir des années 1830, la commercialisation fut facilitée par l'arrivée du canal de Bourgogne, inauguré le 02 janvier 1833 et du chemin de fer inauguré en août 1849.

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Parmi la gamme des rouges de qualité, on trouvait à Tonnerre : Maison Rouge, les Charloux, les Préaux, les Beauvais, la Lisse.

Dans la gamme des blancs fruités, bouquetés et émoustillants, selon le terme le plus employé à l'époque, Tonnerre se distinguait par Les Préaux, ses cotes Pitois (que l'on nomme aujourd’hui cote Putois), son Voutois, son Beauvais. 

Les vignes tonnerroises n'appartiennent pas, en majorité, ni aux grandes familles nobles comme les Louvois, ni aux communautés religieuses, qui possédaient surtout terres et bois, - bien que l’hôpital-hospice ait reçu, par sa charte de fondation, un certain nombre de clos -, mais la très grande majorité des propriétaires étaient des particuliers, des paysans, de petits bourgeois. Leurs clos étaient fragmentés en une infinité de parcelles qui obligeait à une mise en valeur familiale.

Ce qui facilita la commercialisation des vins de Tonnerre, aussi, c’est la rivière Armançon qui traverse notre chère ville et va se jeter dans l'Yonne, voie directe via la Seine pour Paris.

Peu nombreux sont les ouvrages relatant l’historique de nos vignobles tonnerrois, les seules informations que j'ai pu collecter concernent le commerce via le transport de nos vins.

En 1692 le marquis de Louvois qui venait d'acquérir le comté de Tonnerre, s'intéressa à la remise en état de la rivière pour les besoins du commerce du vin.

Un mémoire intitulé "Mémoire concernant la navigation de la rivière Armançon" nous apprend que si l'Armançon était aménagée, elle pourrait transporter le produit des vignes en direction de Paris tel que :

- 18 000 Muids de vin du Tonnerrois issus des communes les plus viticoles que sont Tonnerre, Épineuil, Vaulichère*, Dannemoine, Vézinnes, Roffey, Cheney et Tronchoy,

-1 000 Muids pour les vins en provenance de la région situés entre Vezannes et Ligny le Châtel,

- 1 500 Muids pour le secteur Yrouerre, Viviers, Béru, et Serrigny

- 1 000 Muids pour les vignobles de Lézinnes, Pacy, Moulins et Poilly sur Serein

- 1 000 Muids en provenance de la région de Ravières, Ancy-Tanlay, et Molosmes.

Ce qui donne un aperçu de la production.

Dans la Basse-Bourgogne, telle était la dénomination de notre terroir, le muid n'est plus qu'une mesure de compte valant 270 litres ; on ne se sert que du demi-muid ou feuillette, contenant 135 litres ; un quart de muid est une petite barrique contenant 70 litres.

Une autre source nous donne une valeur de l'époque de la feuillette bourguignonne d'une contenance de 114 l (attention, à Chablis, elle contient 132 litres toujours à l'époque).

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Je ne peux terminer sans omettre de parler du pétillant dit vin Mousseux du Tonnerrois, qui retrouve de nos jours ses titres de noblesse sous l'appellation Crémant de Bourgogne.

On découvre dans un des bulletins de la S.A.H.T. (Société d’Archéologie et d'Histoire du Tonnerrois), d'après Lemaistre, historien local du XIXe siècle, que dès 1819, la Haute-Bourgogne avait appliqué à ses vins la méthode champenoise pour fabriquer du mousseux. Le succès avait couronné les premiers essais. Une comparaison, faite avec impartialité, relate Lemaistre, laisse douter de la supériorité des mousseux champenois.

C'est dès 1826 que le sieur Truchy de Dannemoine appliqua la méthode champenoise à l'élevage de certains de nos vins. En 1828 il s'associa avec le sieur Roze Isidore des Préaux et le Sieur Jacquillat de Maison Rouge de Tonnerre.

Des documents et papiers commerciaux consultés, ayant trait aux affaires commerciales, durant les années 1835-1845, des industrieux et entreprenants tonnerrois que nous venons de citer et plus particulièrement la société Despreaux, qui développe son commerce dans le monde entier, nous informent, par deux cahiers d'avril et décembre 1836 rassemblant les rapports d'un représentant M. Hernozant qui commerçait dans la très grande Allemagne, que les marchands de vin ayant en dépôt des produits tonnerrois, des mousseux, et des vins des Olivottes, de Vaumorillon, de Chablis, qu'ils les distribuaient dans de nombreuses villes tel que : "Francfort, Stuttgart, Ulm, Prague, Munich, Presbourg, Pesth, Breslau, Dresde, Magdeboug, Berlin, Rastibonne, Stettin, Kiel, Stockholm, Cracovie, Altona Hambourg, Vienne et bien d'autres villes… (*)

Un certain Rozzo dans ses relations de voyage en Russie dans les années 1825-1832 indiquait qu'il avait porté l'Olivotte et le Vaumorillon, et que les mousseux tonnerrois (Crémant d'aujourd'hui) avaient été appréciés par l'Empereur Nicolas et par le Roi de Suède. Comme l'Empereur, les grands seigneurs russes buvaient le champagne tonnerrois. La maison Jacquillat-Despréaux et Robin de Tonnerre distribuaient nos vins vers l'Angleterre, le Pays de Galles et une grande partie de l'empire britannique.

D'autres documents nous informent sur l'ampleur et l'implantation commerciale des vins tonnerrois dans le monde entier grâce aux factures de mousseux retrouvées et qui, entre autres, ont comme destinataires des villes telles que : New-York, Philadelphie, la Nouvelle Orléans, Mexico, Bahia, Buenos-Ayres (écrit dans le texte de l'époque), Montevideo, Pernanbouc (état du Brésil), les Indes Néerlandaises,la Russie, l’Angleterre, etc.

Au niveau cartographie, la plus ancienne carte viticole du finage tonnerrois date de 1687 (consultable aux archives de l'Yonne).

Au 19e siècle, le phylloxéra, un puceron, introduit accidentellement dans le sud de la France, aura détruit une grande partie du vignoble français. Pour combattre ce fléau, la solution a été de greffer les vignes sur des racines de vignes américaines résistantes.

Le vignoble tonnerrois commence à se réduire comme peau de chagrin à partir de la fin du XIXe siècle en raison du phylloxera, du moins c'est la raison évoquée trop souvent de nos jours.

Des recherches plus poussées, m'ont amené à découvrir, que le déclin de notre vignoble tonnerrois est dû à une conjoncture économique. En effet un rapport, extrait de la réponse de la commune de Dannemoine du 9 janvier 1902, au questionnaire adressé par la Commission chargée par la Chambre des Députés de chercher les moyens de remédier à la crise viticole en Tonnerrois explique une autre raison, et pas des moindres.

A peine sorti de la crise du Phylloxéra, il fallait faire face à une grave crise de mévente du vin provoquée en grande partie par le développement considérable de la viticulture du midi, surtout languedocienne, ainsi que celle de l'Algérie et par l'acheminement facile de ces productions par chemin de fer.

Le rapport stipule, dans le texte, rappelez-vous, nous sommes en 1902, "que l'on ne peut attribuer la crise actuelle qu'aux marchands de vins en gros. Il est préconisé de faire une répression énergique des fraudes qui se commettent en vendant des vins d'un cru pour un autre cru auquel on donne le même goût au bouquet à l'aide de levures sélectionnées, arômes et autres produits chimiques, à des prix très bas".

Pour être plus clair, certains trafiquaient des vins de basse qualité, acquis à bas prix dans le sud, les amélioraient artificiellement et les commercialisaient sous nos appellations ce qui ruina la réputation qualitative de vins tonnerrois.

Lors de la Première Guerre mondiale et de la seconde, la vigne souffrit du manque de main-d’œuvre et quelques années plus tard la vigne ne représentait plus rien au niveau économique dans le Tonnerrois.

Jusqu'au jour où un homme, André Durand, Maire d'Épineuil de 1959 à 1983 puis Conseiller Général de notre circonscription de 1976 à 1988 relança la viticulture à Épineuil ce qui fut à l'origine de la renaissance de nos vignobles tonnerrois.

Puis, Henri Nallet en tant que Maire de Tonnerre de 1989 à 1998, Député de l'Yonne de 1997 à 1999, et Ministre de l'Agriculture, s'impliqua fortement dans le renouveau viticole de notre territoire

En conclusion, voici de façon très succincte un aperçu de la présence historique des vignes dans le Tonnerrois. Il est très intéressant de découvrir que, hormis sa richesse patrimoniale, historique et touristique, notre terroir tonnerrois eut dans son passé un très grand rôle économique et saura à l'avenir retrouver sa place importante dans la viticulture française.

 

Merci à Christian Horiot qui m'a permis d’accéder aux archives de la S.A.H.T.

Sources archives S.A.H.T. : travaux de Jean Fromageot et André Matton

Rapport « Les Paysans de l'Yonne au XIXè siècle » de J.P Rocher

André Maillard

Tonnerre, septembre 2024


 

* appelations des noms à l’époque